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dimanche 31 janvier 2010

La revue Nioques a été créée en 1990 par Jean-Marie Gleize aux éditions La Sétérée. Elle fête donc en cette année 2010 ses vingt ans d’existence.

Il s’agissait d’abord d’affirmer une solidarité offensive et créative avec l’héritage « moderniste » et critique du premier et du second vingtième siècle, ceci dans un contexte où s’exprimait avec insistance, depuis le début des années 80, l’idéologie d’un retour nécessaire aux évidences « lyriques » et « poétiques ». Nioques, sous le signe de l’immense travail d’exténuation de la vieillerie poétique entrepris en son temps par Francis Ponge à qui était emprunté le titre de la revue, se présentait donc d’emblée comme une revue de poésie en état de résistance formelle, une revue de recherche « après » la poésie.

Cette position de principe fut ensuite confirmée et radicalisée au cours de la seconde vie de la revue, sous couverture noire, aux éditions Al Dante. Il s’est agi alors de mettre davantage encore l’accent sur les jeunes pratiques émergentes (Tarkos, Chaton, Quintyn…), en même temps que de rendre justice et visibilité, par la publication de livres à côté et sous le signe de la revue, à des oeuvres expérimentales, comme celle de Bernard Heidseick par exemple. On voulait aussi donner consistance et pertinence théorique à des catégories comme celles de « document » et de « dispositif » poétiques, redéfinir les pratiques de montage, proposer de nouvelles voies et de nouvelles façons de faire en régime postpoétique.

Nous sommes aujourd’hui dans la troisième phase de ce long parcours, qui a commencé à Lyon aux éphémères éditions Succursale et se prolonge aujourd’hui aux éditions Le Mot et le reste à Marseille. Le moment présent dans l’histoire de la revue se caractérise par l’attention continue et soutenue au surgissement de nouveaux venus aux propositions percutantes (David Burty, Sabine Tamisier, Elodie Petit…) ; il se caractérise également par la volonté de faire toute leur place aux textes traduits, de l’américain (pour les grands « classiques », Gertrude Stein ou Charles Reznikoff, et pour les grands actuels, Charles Bernstein ou Carla Harryman par exemple), mais aussi des italiens, des brésiliens, des suédois… De cette volonté témoignent la présence désormais au comité de rédaction de trois écrivains, une américaine, N. Wedell, un italien, A. de Francesco, et un canadien, A. Farah. Enfin le contexte actuel, ou si l’on veut, le moment historique dans lequel nous vivons et écrivons, nous incite à prolonger le travail « critique » qui a toujours été celui de Nioques en direction d’une réflexion approfondie sur le sens directement ou obliquement politique des pratiques et des recherches formelles qui sont les nôtres. De ce point de vue la présence du texte de Julien Coupat intitulé « La situation est excellente », dans le numéro 6 de la revue peut être compris comme une déclaration d’intention.


Le numéro 7/8 de la Revue Nioques, à paraître en avril 2010

Ce numéro qui se veut à la fois offensivement engagé et formellement équilibré, s’ouvre sur une série de variations manuscrites inédites de Francis Ponge, écrites en 1947, sous le titre « Pourquoi je suis communiste ». Il s’achève sur deux pages du jeune éditeur, plasticien et poète américain James Hoff , qui nous donnent à voir et reconsidérer la problématique permutation des catégories gauche-droite. Au centre du volume la reproduction de l’édition originale de L’action directe d’Emile Pouget, notion qui reste, pour beaucoup d’entre nous, d’une brûlante actualité sur bien des terrains de lutte.
Entre ces deux bornes et de part et d’autre du texte de Pouget qui lui-même est immédiatement précédé et suivi de photographies rendant compte d’une réalité urbaine assez violente (par Alexandra Bouge), le volume propose un certain nombre de textes en alternance avec des massifs incluant des images (les Photographies d’Alain Rivière sur le premier versant, le Carnet noir d’Elodie Petit sur le second). Ces textes sont eux-mêmes disposés de telle manière que se tisse un dialogue continu, en va et vient « glissé » entre élaboration poétique et fiction critique, analytique : ainsi par exemple la série de textes de Weinzaeflen peut être lue comme une suite de « poèmes en prose » (plutôt corrosifs) tandis que le texte de Séphanie Eligert « Les collaborateurs » relève, comme celui de Nathalie Quintane d’une volonté de comprendre « ce que parler veut dire », dans notre société et les « Sociétés » qui la dominent, de même encore, les lignes tendues minimales de l’américaine Ariana Reines succèdent immédiatement au montage d’Olivier Quintyn sur les politiques de reconduction des « étrangers » aux frontières.
L’horizon dans lequel se déploie désormais le travail de la revue peut se résumer assez bien dans ce que suggèrent nos camarades du groupe « fondcommun » présents dans ce numéro de Nioques : « la véritable activité littéraire ne peut prétendre à se dérouler dans un cadre littéraire –cela est au contraire l’expression ordinaire de sa stérilité. L’efficacité littéraire, pour être notable, ne peut naître que d’un échange rigoureux entre l’action et l’écriture ».
La revue Nioques entend désormais participer activement de la recherche de cet entre-deux.

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